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Option végétarienne quotidienne dans les cantines scolaires, une opportunité en sursis

Le 29 novembre 2022, Mme la députée Francesca Pasquini a posé une question à monsieur le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire concernant “l’importance de permettre à la totalité des cantines scolaires de conserver ou de mettre en place une option quotidienne végétarienne”. En effet, un nouveau décret d’application visant à réécrire l’arrêté du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire pourrait empêcher de proposer une option végétarienne quotidienne en cas d’inscription au trimestre, au semestre ou à l’année. Or, cette configuration, pour des raisons évidentes et incompressibles d’organisation et afin d’éviter le gaspillage, est la règle dans le primaire.

Contexte

Mme Pasquini rappelle dans sa question les principaux intérêts de l’option végétarienne quotidienne, qui permet :

  • Un meilleur accès à la cantine et à l’école ;
  • Une plus forte consommation de légumineuses et une moindre consommation de viande, enjeu de santé public majeur pour les enfants ;
  • De lutter efficacement contre le réchauffement climatique, chaque repas végétarien permettant d’économiser 1,5 kg équivalent CO2 en moyenne par rapport à un repas carné ;
  • De diminuer le coût des repas, ce qui joue un rôle incontournable dans la lutte contre l’inflation dans les cantines ;
  • De réaliser des économies permettant, par ailleurs, de multiplier par plus de 2 la quantité de viande bio et locale.

La réponse du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, publiée le 7 février 2023, est reproduite et commentée ci-dessous.

Réponse du ministère et évaluation de l’Onav

Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire

L’arrêté du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire, pris en application de l’article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime, fixe des règles concernant la structure des repas, les fréquences de services et les grammages des produits “prêts à consommer” en restauration scolaire.

Selon ce cadre, il est actuellement obligatoire de servir du poisson lors de 4 repas et de la viande rouge non hachée lors de 4 repas sur 20 repas successifs. En cas de choix multiple, les fréquences sont calculées de manière proportionnelle par rapport au nombre de choix. Par exemple, en cas de choix entre 2 plats chaque jour, il est obligatoire de servir 8 poissons et 8 viandes rouges non hachées sur 40 choix dans 20 repas successifs. Il est donc possible de servir une option végétarienne quotidienne en cas de choix multiple (20/40 choix). De même, certaines collectivités ont mis en place une option végétarienne sur réservation quelques jours à l’avance, ce qui s’apparente à un choix multiple. En revanche, le cadre existant ne permet pas une inscription à une option végétarienne à l’année ou au trimestre car, de fait, les élèves inscrits à cette option n’auront pas la possibilité de consommer de la viande ni du poisson pendant une année ou un trimestre. Afin de prendre en compte les évolutions des recommandations alimentaires pour les enfants et les évolutions législatives récentes, notamment le menu végétarien hebdomadaire, cet arrêté est en cours de révision.

La concertation sur les nouveaux critères a lieu dans le cadre du groupe de travail “nutrition” du conseil national de la restauration collective, qui est co-présidé par la direction générale de la santé et l’association nationale des directeurs de la restauration collective (AGORES), en associant l’ensemble des parties prenantes concernées. Les avis d’expertise scientifique sont la base de la révision de cet arrêté.

Observatoire national des alimentations végétales

La réponse commence par un rappel de l’arrêté du 30 septembre 2011 qui fixe les règles concernant la structure des repas. D’après ce texte, il est possible de servir une option végétarienne en cas de choix multiple, à condition de doubler le nombre de plats à base de viande présentés. Ainsi, sur les 40 repas préparés pour 20 jours, 8 au moins doivent contenir de la viande non hachée. Il est indiqué que certaines collectivités ont mis en place un système de choix quelques jours à l’avance. À notre connaissance, il n’y a que Bègles (33) dans le premier degré qui ait cette possibilité. En effet, cela est très difficile à mettre en pratique et demande des conditions particulières rarement rencontrées. En revanche, en cas d’inscription au trimestre ou à l’année, cela n’est pas possible. L’inquiétude de Mme la députée et des ONG ayant une expertise sur ce sujet est donc confirmée.

Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire

Dans son avis de 2019 sur la révision des repères du programme national nutrition santé chez les enfants, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) rappelle que durant l’enfance, la croissance staturopondérale importante et les pertes menstruelles chez les filles à l’adolescence entraînent des besoins en fer élevés, avec une prévalence d’inadéquation des apports en fer estimée à 25 %. L’Anses indique que la consommation de viande et de poisson peut faciliter l’atteinte de la référence nutritionnelle en fer chez les enfants et qu’il semble judicieux que les portions de ce groupe d’aliments proposées aux enfants ne soient pas réduites au prorata de l’apport énergétique mais soient proches de la portion d’un adulte. De plus, d’après l’étude ESTEBAN 2014-2016, la prévalence de carence en fer (anémie ferriprive) atteignait plus de 10 % chez les filles de 6-17 ans.

Observatoire national des alimentations végétales

Dans l’avis de 2019 évoqué ici, l’Anses indique que la croissance et les pertes menstruelles chez les filles adolescentes entraînent des besoins de fer élevés. L’Anses estime que 25 % de la population générale a des apports en fer théoriquement insuffisants. Il faut noter qu’il est fait mention ici d’une inadéquation en apport : cette affirmation n’est pas vérifiée par des analyses biologiques, et on ne connaît pas le retentissement clinique de ces apports inférieurs aux recommandations. D’après une autre étude pour laquelle des analyses biologiques ont été effectuées, l’étude ESTEBAN 2014-2016, 10,4 % des filles entre 6 et 17 ans ont une anémie ferriprive.

Ces données sur des apports en fer insuffisants concernent la population générale sans indication des repas pris à la cantine ou non. Il n’y a aucune raison de penser que des repas végétariens aggraveraient ce phénomène qui est observé dans toutes les catégories sociales. Au contraire, l’accès à une meilleure alimentation, en augmentant la fréquentation de la cantine scolaire, ne peut qu’être bénéfique En effet, l’Anses, dans son étude de 2022, indique qu’une option végétarienne apporte 149 % des apports théoriques en fer (contre 159 % pour les repas contenant de la viande ou du poisson). Enfin, la proportion des filles réglées dans le 1er degré (population de 2 à 11 ans) est très faible, cette remarque est donc sans objet.

Dans la mesure où la viande et le poisson font partie des groupes d’aliments les plus gaspillés, permettre aux enfants de ne pas les jeter à la poubelle est un progrès indéniable. De plus, comptabiliser le fer de ces groupes d’aliments comme étant intégralement ingéré est de la tromperie.

Pour lutter réellement contre les anémies ferriprives, la priorité est de s’attaquer à la précarité qui est, elle, un vrai facteur de risque (HCSP, 2022). Améliorer l’accès à la cantine via l’option végétarienne quotidienne apparaît alors comme un outil facilitant l’atteinte de la référence nutritionnelle en fer chez les enfants. Enfin, le HCSP rappelle dans son document l’importance des légumineuses et de la vitamine C pour avoir des apports en fer satisfaisants.

Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire

Le Haut conseil de la santé publique (HCSP), dans son avis de 2020, indique qu’il est recommandé de consommer de la viande, du poisson, de la volaille ou des œufs chaque jour, mais qu’il n’est pas nécessaire de consommer de la viande à chaque repas pour les enfants. De même, le HCSP indique qu’il est possible pour certains repas de consommer des produits qui sont des sources alternatives de protéines (légumineuses, légumes secs, céréales peu ou pas raffinées) et recommande de limiter la consommation de viande hors volaille à 500 g/semaine au maximum pour les adolescents.

Observatoire national des alimentations végétales

Le HCSP indique bien dans son avis de 2020 qu’il n’est pas nécessaire de consommer de la viande, du poisson, de la volaille ou des œufs à chaque repas pour les enfants. Les sources alternatives de protéines citées par le HCSP (légumineuses, légumes secs, céréales peu ou pas raffinées) sont également citées comme sources intéressantes de fer et de calcium.

Donner aux enfants le choix de ne pas consommer de viande le midi ne signifie pas qu’ils ne consommeront plus de viande ni de poisson, la très grande majorité des enfants continuera d’en consommer à la maison. Les quantités consommées seront donc plus faibles, en ligne avec les recommandations de santé, et les produits potentiellement de meilleure qualité. On peut estimer que le faible pourcentage de végétarien·nes ne consommait déjà pas la viande à la cantine.

Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire

Enfin, dans son avis de novembre 2021, l’Anses indique notamment que l’augmentation du nombre de menus sans viande ni poisson ne modifie pas le niveau de satisfaction des apports en nutriments, au regard de l’atteinte des références nutritionnelles. Toutefois, cette étude n’a été réalisée que pour les 7-10 ans, et l’agence émet un point de vigilance concernant la fréquence de service de poisson, étant donné l’importance du poisson en tant que contributeur aux apports en acides gras oméga-3 à longue chaîne.

Observatoire national des alimentations végétales

Comme le rappelle le ministère, l’Avis de l’Anses sur cette question indique “que l’augmentation du nombre de menus sans viande ni poisson ne modifie pas le niveau de satisfaction des apports en nutriments, au regard de l’atteinte des références nutritionnelles”. Certes, l’Anses rappelle quelques points de vigilance notamment concernant les omégas 3 (également valable pour les repas habituellement servis dans les cantines scolaires).

Dans ses travaux fournis au ministère, il est surprenant de constater que le Conseil national de la restauration collective (CNRC) ne semble pas tenir compte de l’avis de l’Anses. Suite à sa demande d’évaluation de la nécessité de proposer une limite maximale au nombre de repas végétariens servis, l’Anses a clairement indiqué qu’une telle limite n’est pas nécessaire. Il n’y a aujourd’hui aucune raison d’encadrer davantage l’option végétarienne quotidienne, qui permet notamment aux populations les plus précaires de fréquenter davantage les cantines scolaires et d’avoir accès à des repas sains sans viande (c’est cette population qui en consomme le plus et qui consomme le moins de fruits et légumes).

De plus, proposer une option végétarienne a un réel impact sur le climat et permet aux cantines scolaires de s’approvisionner en viande locale alors qu’actuellement 60 % de la viande de bœuf est issue de l’importation.

Conclusion

Rappelons que l’alternative végétarienne quotidienne est aussi une préconisation de la Convention citoyenne pour le climat. Cette demande émane de la société civile dans son ensemble, et quand cette option existe, elle est choisie par 20 à 40 % des convives. Cela confirme qu’elle répond à une demande importante.

Il s’agit de permettre un choix qui est complémentaire à la viande. D’ailleurs, cela permet aux cantines scolaires de servir plus de viande française et également de servir plus d’aliments bio. Ainsi l’option végétarienne quotidienne profite également aux enfants qui ne la choisissent pas.

Ces considérations, tant socio-économiques que sanitaires et environnementales, devraient remporter l’adhésion de l’ensemble des acteurs et actrices politiques.

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