Les COP réunissent les États chaque année autour de l’objectif commun de réduction des émissions mondiales de gaz à effets de serre. Alors que nos systèmes alimentaires comptent pour un tiers de nos émissions totales, ce levier n’est que rarement évoqué. Ainsi, la COP 27, qui réunit 196 États du 6 au 18 novembre 2022 en Égypte, est la première où plusieurs pavillons aborderons la question de la durabilité de l’alimentation, dont un spécifiquement via la végétalisation de l’alimentation.
Qu’est-ce qu’une COP
Une “Conférence des Parties” (Conference of the Parties, COP) désigne une forme de convention internationale. Cette appellation désigne aujourd’hui plus spécifiquement la réunion annuelle des États autour de l’objectif de réduction des émissions mondiales de gaz à effets de serre (GES).
À l’issue du Sommet de la Terre de Rio de 1992, trois conventions ont été signées, dont la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Depuis, des COP ont lieux régulièrement entre les 196 pays signataires de la CCNUCC :
- la COP sur la biodiversité ;
- la COP sur la lutte contre la désertification ;
- la COP sur les changements climatiques, c’est la plus importante et celle qui nous intéresse ici, elle a lieu chaque année depuis 1995.
C’est dans le cadre des COP sur les changements climatiques qu’ont été signés le Protocole de Kyoto en 1997 (objectif de réduction de 5% les émissions de GES entre 2008 et 2012) et l’Accord de Paris en 2015 (objectif du maintien du réchauffement climatique “bien en dessous de 2 °C” d’ici 2100).
Parmi les différents leviers pour atteindre les objectifs climatiques, l’alimentation est souvent décrite comme la grande oubliée. En effet, malgré le fait que nos systèmes alimentaires pèsent pour un peu plus du tiers des émissions totales de GES [1] et constituent le principal facteur de perte de biodiversité, la transition vers une alimentation plus durable n’est que rarement évoquée.
2017, première décision de la COP sur le thème de l’agriculture
L'”Action commune de Koronivia pour l’agriculture” (Koronivia Joint Work on Agriculture, KJWA) a été initiée lors de la COP 23 en 2017.
Aboutissement de négociations entamées en 2011, la KJWA est un processus historique dans le cadre de la CCNUCC qui reconnaît le rôle de l’agriculture dans la lutte contre le changement climatique. Les États reconnaissent que l’agriculture a la possibilité de fournir jusqu’à 30 % des mesures d’atténuation requises pour garantir que le réchauffement de la planète reste inférieur à 1,5 degré d’ici 2050.
La feuille de route de la KJWA a été détaillée en 2018 lors de la COP 24 à Katowice (Pologne). Elle aborde six sujets interdépendants sur les grandes orientations agricoles mondiales pour les sols, l’utilisation des nutriments, l’eau, les systèmes d’élevage et ses effluents, les méthodes d’évaluation de l’adaptation et les dimensions socio-économiques et de sécurité alimentaire du changement climatique dans les secteurs agricoles.
Depuis, quelles avancées vers une production agricole plus durable ?
Des avancées ont bien eu lieu au niveau agricole depuis 2018, mais elles restent très insuffisantes et l’évolution des modes de production doit s’accompagner d’une évolution de ce qui est produit, et donc consommé.
D’après le troisième volet du sixième rapport du GIEC du 4 avril 2022, changer nos habitudes et adopter un mode de vie plus sobre nous permettrait de réduire nos émissions de GES de 40 à 70 % d’ici 2050 [2], et l’évolution des pratiques alimentaires vers une alimentation plus végétalisée est identifiée comme l’un des changements de pratiques les plus efficaces.
En 2021, lors de la COP 26 à Glasgow (Écosse), les principales discussions ont porté sur la création d’un système mondial de taxe sur le carbone, la fin de la dépendance au charbon, l’élimination progressive des combustibles fossiles et la fin des investissements dans les économies grise ou brune basées sur les énergies et ressources fossiles. Seule une poignée d’évènements portait sur l’alimentation, en décalage avec le poids du secteur, et aucun sur la végétalisation [3].
L’alimentation durable enfin au programme d’une COP ?
Surnommée la COP de l’Afrique, la COP 27 (ou Conférence de Charm el-Cheikh de 2022 sur les changements climatiques) qui se tient du 6 au 18 novembre 2022 en Égypte sera tournée vers la solidarité Nord-Sud. Il sera aussi question de l’aboutissement du processus de Koronivia, qui devrait déboucher sur des engagements dans le secteur agricole et de l’adaptation de l’agriculture face aux sécheresses qui se multiplient.
Ainsi, le 12 novembre 2022 sera la première journée d’une COP consacrée à l’agriculture et à son adaptation (pénuries d’eau, sécurité alimentaire, capture de carbone, etc.). Si on peut regretter que, sur la centaine d’événements prévus, aucun ne porte sur la végétalisation de l’alimentation, ce thème sera abordé plus ou moins directement au sein de trois pavillons dédiés à la transformation des systèmes alimentaires :
Premier pavillon officiel sur l’agriculture et l’alimentation [4], il est piloté par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le CGIAR et la Fondation Rockefeller. Les évènements proposés visent à montrer comment les systèmes agroalimentaires font partie de la solution à la crise climatique, et plusieurs d’entre eux porteront sur la transition vers des alimentations plus saines et durables, la réduction du cheptel bovin ou la place des substituts végétaux pour accélérer la transition vers une agriculture neutre en carbone.
Ce pavillon a pour objectif de placer la transformation des systèmes alimentaires et les régimes alimentaires durables au cœur de la COP 27. Il s’agit du premier pavillon à se concentrer sur le passage à des alimentations majoritairement végétales, l’adoption de pratiques agricoles durables et résilientes, et la réduction des pertes et des déchets alimentaires pour respecter nos engagements climatiques. La majorité des évènements proposés porte sur la diversification des sources de protéines, l’impact de l’élevage sur l’environnement, la démocratisation des substituts végétaux (laits, steaks, etc.) et le gaspillage alimentaire.
Ce pavillon propose 10 journées thématiques soulignant le rôle essentiel que la transformation des systèmes alimentaires doit jouer dans l’atténuation du changement climatique, l’adaptation et le renforcement de notre résilience. Plusieurs événements porteront sur la décarbonation de l’agriculture, la transition vers des comportements alimentaires plus durables ou le financement du développement des protéines végétales et de la viande cultivée.
Notes et références
↵1 | Crippa, M., Solazzo, E., Guizzardi, D. et al. Food systems are responsible for a third of global anthropogenic GHG emissions. Nat Food 2, 198–209 (2021). https://doi.org/10.1038/s43016-021-00225-9 |
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↵2 | GIEC, Climate Change 2022: Mitigation of Climate Change, Full Report, Chapter 5: Demand, services and social aspects of mitigation, p. 5-3. |
↵3 | Une conférence prometteuse s’intitulait “Plant Powered to Become Climate Positive” (À base de plantes pour devenir climate positive, c’est-à-dire aller au-delà d’une activité neutre en carbone et éliminer du CO2 supplémentaire de l’atmosphère), mais là encore aucune mention de végétalisation de l’alimentation. La conférence était organisée par la division thé d’Unilever qui vient mettre en avant ses progrès en matière d’emballages biodégradables à base de végétaux pour réduire le volume de déchets de la marque. |
↵4 | Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), COP27: First official Food and Agriculture Pavilion. |