Accompagner la démocratisation des alimentations saines et durables

La meilleure façon de manger végétal : interview de Fabien Badariotti et Léa Lebrun

À l’occasion de la parution de la deuxième partie de La meilleure façon de manger végétal (MFMV), le docteur en biologie Fabien Badariotti et la diététicienne et psychologue Léa Lebrun, membres du conseil scientifique de l’Onav reviennent sur ce qui les a amené à publier ces deux livres.

Pouvez-vous nous racontez-nous la genèse de ce projet ?

FB : En 2017, je faisais le constat que le sujet de la nutrition végétale était le plus souvent traité avec peu de sérieux, à la fois du côté des défenseurs de cette alimentation et de celui de ses détracteurs. Si des ouvrages de qualité “evidence-based” (basé sur les preuves scientifiques) étaient disponibles en anglais (par exemple : “Vegan for Life” de Norris et Messina ou “The Dietitian’s guide to vegetarian diets” de Mangels et Messina), aucun n’était écrit en France.

LL : J’ai fait le même constat que Fabien sur le manque de recommandations alimentaires sérieuses et fiables sur le sujet de l’alimentation végétale. En 2019, lors du premier confinement, j’ai commencé l’écriture d’un livre sur l’équilibre alimentaire de l’alimentation majoritairement végétale. C’est lorsque j’ai rejoins l’Onav en juin 2020 que j’ai rencontré Fabien et que nos deux projets en deviennent un seul. Mon livre était alors écrit et nous avons dû les fusionner, ce qui a donné deux livres : “La meilleure façon de manger végétal” et “La science de la nutrition végétale”.

Quels sont les obstacles que vous avez rencontrés ?

FB : La complexité de faire une synthèse sur un sujet lorsqu’on fait le choix de travailler presque exclusivement à partir de sources primaires, c’est-à-dire plusieurs centaines de publications scientifiques évaluées par les pairs (peer review). Les recommandations établies dans la MFMV sont le fruit d’un long travail de synthèse bibliographique.

LL : Quand j’ai rejoint le projet de Fabien, il avait effectué les recherches de fond et avait bien avancé sur l’écriture. J’ai plutôt travaillé sur la forme, comment rendre accessible et faire comprendre aux lecteurs et lectrices des mécanismes complexes.

Quelle a été la partie la plus difficile à écrire ?

FB : Ce qui a été le plus chronophage pour moi a été de vérifier dans la littérature scientifique si telle ou telle position relative aux alimentations végétales était fondée. Ce travail a conduit très souvent à une impasse : le niveau de preuve d’un danger ou d’un bienfait se révélant insuffisant. Ce long travail de recherche n’apparaît pas dans un ouvrage de vulgarisation comme la MFMV car seules les informations les plus étayées scientifiquement y sont mentionnées.

LL : Lorsque j’ai rejoint le projet de Fabien, j’ai vérifié qu’aucune information ne se perdait dans la fusion des deux manuscrits. D’autant plus que le livre “La meilleure façon de manger végétal” est une adaptation d’un best-seller de notre maison d’édition “La meilleure façon de manger”. Nous avons donc du suivre et adapter les chapitres du premier livre.

Si vous ne deviez retenir que trois conseils, lesquels garderiez-vous ?

FB : Si je devais retenir trois conseils, ce serait les suivants :

  1. Prendre le temps de la réflexion. S’informer sur l’alimentation végétale auprès de sources fiables : lecture de la MFMV (en priorité ;), consultation d’un·e professionnel·le de santé formé·e aux alimentations végétales (diététicien·ne, médecin, etc.).
  2. Éviter l’écueil de viser une forme de pureté alimentaire, garder une certaine flexibilité intégrant le contexte dans lequel est pris un repas (en fonction de l’offre disponible, des enjeux sociaux d’un moment partagé, etc.).
  3. Rester curieux d’apprendre, ne pas faire de sa pratique alimentaire un dogme figé dans le temps.

LL : Trois conseils pour végétaliser son alimentation, cela fait très peu ! Le livre entier répond à cette question en réalité. En complément des conseils de Fabien, je dirais :

  1. En premier, penser à la complémentation en vitamine B12 dès lors que l’on diminue sa consommation de viande à moins d’un repas sur deux.
  2. En second, ajoutez des légumineuses à vos plats. Les légumineuses sont les grandes oubliées de nos assiettes et c’est très dommage !
  3. En troisième, ouvrez-vous à des découvertes gustatives en tentant l’alimentation majoritairement végétale. La diversité alimentaire sera plus grande et les papilles seront ravies.

Comment percevez-vous la démocratisation des alimentations majoritairement végétales dans la société ?

FB : Il me semble que cette popularité croissante exprime l’émergence de nouvelles préoccupations sociétales d’ordre écologique, d’éthique animale voire de santé. Ces changements d’attitudes sont davantage perceptibles au sein des nouvelles générations. Les causes de cette démocratisation sont incontestablement multiples mais il est intéressant de constater qu’un consensus scientifique est en train de se constituer sur ces sujets, faisant des alimentations majoritairement végétales un des leviers les plus efficaces pour faire face aux enjeux d’écologie, d’éthique animale et de santé publique.

En outre, au niveau pratique, le développement constant de l’offre des viandes et des produits laitiers alternatifs facilite le passage à une alimentation végétalisée. Concernant les avantages des viandes alternatives, la revue Sésame avait publiée un excellent article de synthèse.

Une limite et un risque que je perçois à travers ce bouleversement rapide des habitudes alimentaires est l’adoption d’une alimentation déséquilibrée avec la survenue de carences aux conséquences potentiellement graves (notamment dans le cas de la vitamine B12). D’où la nécessité de former le plus rapidement possible l’ensemble de la population (personnels de l’éducation nationale pour les enfants, personnels de santé, parents, etc.) à ces alimentations qui ne sont pas (encore) inscrites dans les pratiques culturelles de notre pays.

Quel rôle peuvent jouer les professionnel·les de santé dans cette démocratisation ?

FB : Leur rôle est celui d’accompagnants, de passeurs d’informations pour permettre aux personnes souhaitant végétaliser leur alimentation de le faire dans les meilleures conditions. Dans cette perspective, je vous conseille le site Végéclic, dédié aux professionnels de santé.

LL : Les professionnels de santé sont très importants dans l’accompagnement vers une végétalisation des assiettes. Ce sont eux, par leur discours, qui peuvent rassurer les mangeurs sur le maintien de leur santé en cas d’alimentation végétarienne ou végétalienne. Sans ce discours rassurant pour notre santé, l’alimentation plus végétale n’est pas envisageable pour un grand nombre de personnes.

Travaillez-vous déjà sur un autre projet ?

FB : Je travaille actuellement à un nouveau livre qui devrait proposer une synthèse des connaissances actuelles au sujet des impacts écologiques associés aux alimentations (majoritairement) végétales.

LL : Du côté de l’Onav, nous avons plusieurs projets en réflexion avec les diététiciennes du conseil scientifique, mais il est encore trop tôt pour une annonce officielle !

Les deux tomes de la MFMV

Fabien Badariotti et Léa Lebrun, La Meilleure façon de manger végétal – La bible de l’alimentation végétalienne et végétarienne, 31 mars 2022.
Fabien Badariotti et Léa Lebrun, La science de l’alimentation végétale – Comment couvrir tous ses besoins nutritionnels quand on mange végétal, 20 avril 2023.
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