Un récent rapport du Boston Consulting Group (BCG) montre que les consommateurs sont demandeurs de plus de protéines végétales et qu’investir dans le développement d’alternatives à la viande et aux produits laitiers permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre davantage qu’investir dans tout autre secteur (construction, aviation, voitures électriques, etc.). Le rééquilibrage alimentaire en faveur de plus de protéines végétales apparaît comme la solution disponible la plus efficace pour lutter contre le dérèglement climatique.
Publié le 8 juillet 2022, le rapport “Food for Thought” du Boston Consulting Group (BCG) porte sur les protéines dites “alternatives” : les protéines d’origine végétale, les mycoprotéines (protéines de champignons) et la viande cultivée.
Un secteur en forte croissance
Le rapport révèle que les investissements dans les protéines alternatives ont bondi de 1 milliard de dollars (890 millions d’euros) en 2019 à 5 milliards de dollars (4,25 milliards d’euros) en 2021. Les protéines alternatives représentent aujourd’hui 2 % de la viande, des œufs et des produits laitiers vendus, mais les prévisions actuelles indiquent qu’elles représenteront 11 % de la consommation totale de protéines d’ici 2035. Si les environnement technologique, financier et juridique sont favorables, les protéines alternatives pourraient représenter 22 % du marché mondial à cette échéance.
La croissance des investissements dans les protéines alternatives est cohérente avec un intérêt plus large pour l’investissement durable à l’échelle mondiale, qui croît trois à cinq fois plus vite que l’investissement traditionnel, en mettant l’accent sur les solutions à la crise climatique.
Mais qui souffre d’un sous-investissement chronique
À l’heure actuelle, les protéines alternatives n’ont reçu qu’une fraction des investissements déployés dans d’autres secteurs (véhicules électriques, éoliennes, panneaux solaires, etc.). L’immobilier a par exemple reçu 4,4 fois plus de capital d’atténuation que la production alimentaire alors que les émissions des bâtiments sont 57 % inférieures à celles liées à la production alimentaire.
Le rapport indique également qu’au-delà du potentiel environnemental, la démocratisation des protéines alternatives est moins impactante pour les consommateurs que de prendre moins l’avion ou de rénover leur maison, le premier impliquant une privation sans toujours de possibilité de compensation et le second des dépenses très importantes longues et complexes à effectuer
Malgré un potentiel environnemental important
Au niveau mondial, la production de viande et de produits laitiers accapare 83 % des terres agricoles et génère 60 % des émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture, mais ne fournit que 18 % des calories et 37 % des protéines. Le système alimentaire est responsable de 26 % des émissions mondiales actuelles de gaz à effet de serre (GES).
L’élevage, le plus grand émetteur de GES au sein du système alimentaire, est responsable de 15 % des émissions mondiales, ce qui correspond à peu près aux émissions du secteur des transports, la plus grande partie étant attribuable au seul élevage bovin dont les émissions comprennent une part importante de méthane, un gaz au potentiel de réchauffement planétaire beaucoup plus élevé que le CO2… et une durée de vie atmosphérique beaucoup plus courte. Une forte réduction du cheptel bovin aurait donc un impact rapide et permettrait d’acheter du temps nécessaire à la transformation d’autres secteurs économiques comme la production d’énergie ou le transport.
La démocratisation des alimentations majoritairement végétales peut donc jouer un rôle clé dans la lutte contre le dérèglement climatique, d’autant plus si elle est combinée avec d’autres solutions, notamment la réduction du gaspillage alimentaire.
Des effets rapides à moindres coûts
L’investissement dans les protéines alternatives a le plus grand impact sur la décarbonation lorsqu’il est évalué en termes de valeur marchande des émissions de CO2e évitées par dollar investi dans les efforts d’atténuation. L’impact du capital investi dans les protéines alternatives est plus important qu’un capital correspondant dans d’autres secteurs de l’économie à fortes émissions, comme le transport ou l’immobilier. Le rapport indique que si les protéines alternatives atteignent 11 % du marché de la viande, des œufs et des produits laitiers d’ici 2035, cela équivaudrait à économiser plus d’émissions de carbone que la décarbonation de 95 % du secteur de l’aviation
Plus précisément, chaque dollar investi dans les alternatives à la viande et aux produits laitiers traditionnels est :
- 3 fois plus efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre qu’un dollar investi dans la réduction de l’impact de la production de ciment ;
- 7 fois plus efficace qu’un dollar investi dans la rénovation du parc immobilier ;
- 11 fois plus efficace qu’un dollar investi dans les voitures zéro émission ;
- 22 fois plus efficace qu’un dollar investi dans l’aviation bas carbone.
Précision importante, les investissements de décarbonation ne sont aujourd’hui économiquement viables que pour trois secteurs (en verts sur le graphique ci-dessous) : les protéines végétales, les voitures zéro émission et les énergies renouvelables.
Et des consommateurs demandeurs
Le rapport comprend une enquête menée auprès de plus de 3 700 personnes au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Chine, en France, en Allemagne, en Espagne et dans les Émirats arabes unis. Il en ressort que :
- Environ 30 % des personnes interrogées déclarent qu’ils seraient prêts à évoluer vers une alimentation exclusivement basée sur des protéines alternatives si cela avait un impact positif majeur sur le climat, mettant en lumière le besoin d’une information transparente sur l’impact environnemental des produits ;
- Environ 75 % des personnes interrogées déclarent que le fait d’avoir une alimentation plus saine était la principale motivation pour commencer à consommer des protéines alternatives ;
- Environ 90 % des personnes interrogées se déclarent favorables à au moins plusieurs des produits protéinés alternatifs qu’elles avaient essayés, indiquant que les réticences concernant les produits végétaux (santé, goût et valeurs nutritionnelles) sont aujourd’hui fortement levées.
Le prix reste un facteur essentiel pour stimuler la demande, les consommateurs n’étant pas prêts à payer un supplément pour un produit qui n’offre qu’une parité de goût avec les produits d’origine animale.
Comment accélérer cette transition ?
L’évolution vers des protéines plus durables fait partie d’un remodelage plus large du système alimentaire, et le rapport pointe que les agriculteurs sont en première ligne de cette évolution. Il met en avant cinq axe à développer pour faciliter la transition vers des alimentations plus saines et durables majoritairement végétales :
- Le soutien aux agriculteurs ;
- Le fait de garantir un traitement politique et réglementaire équitable entre les protéines conventionnelles et alternatives ;
- L’orientation de capitaux vers des entreprises transformatrices ;
- L’optimisation des ressources et le traitement des déchets ;
- Le renforcement de l’acceptation par les consommateurs.