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UFC-Que choisir et les menus végétariens dans les cantines : une étude plus (ultra) transformée que les menus qu’elle dénonce

Le 17 novembre 2022, UFC-Que choisir a publié une étude intitulée “Menus végétariens dans les cantines scolaires : Une opportunité pour la transition alimentaire, mais des écueils à éviter”. L’association de consommateurs entend évaluer la qualité des menus végétariens suite à la Loi Climat et résilience qui rend obligatoire le service d’un menu végétarien hebdomadaire dans les cantines scolaires. Nous proposons un résumé de cette étude, une évaluation de sa pertinence et quelques réflexions pour aller plus loin.

Au sujet des menus végétariens

Ce que l’on sait déjà 

  • Les menus végétariens sont plus durables que les menus carnés : moins d’émission de gaz à effet de serre, moins d’eutrophisation des sols, moins d’utilisation d’eau.
  • Les menus végétariens sont compatibles avec les besoins nutritionnels des enfants.
  • Le gaspillage porte principalement sur la viande et le poisson.
  • Il existe un réel besoin de formation et d’information des cuisiniers et cuisinières, et plus généralement de toutes les personnes intervenantes lors de la pause méridienne auprès des enfants.
  • Il existe des mesures pour diminuer le gaspillage.
  • L’évaluation des plats industriels végétariens dans les cantines scolaires montre qu’ils peuvent contenir des additifs, sans que ne soit retrouvé d’inquiétude particulière.
  • Le recours à des produits ultra-transformés n’est ni une fatalité ni une caractéristique propre aux menus végétariens. Ils peuvent avoir aussi leur utilité dans une transition alimentaire.

Ce que permet de dire cette étude 

  • L’UFC-Que choisir se positionne contre les menus végétariens.
  • Dans certaines restaurations collectives communales les plats végétariens sont riches en plats industriels, sans qu’on en connaisse la composition exacte.

Les limites de cette étude

  • Elle n’envisage pas les bénéfices pour la santé alors qu’il s’agit d’une des raisons de la mise en place de l’obligation d’un repas végétarien hebdomadaire obligatoire.
  • Elle n’est pas représentative : très petite sélection dont les critères sont inconnus. Aucun lycée n’est représenté et 2 collèges seulement.
  • On ne sait pas si, dans les écoles sélectionnées, davantage de plats industriels sont proposés dans les menus végétariens ou dans ceux non végétariens.
  • On ne sait pas si les plats industriels sont ultra-transformés, le terme “industriel” n’étant pas défini.
  • On ne sait pas s’il y a plus de gaspillage les jours où les repas sont végétariens.

Résumé de l’étude UFC-Que choisir

Pour évaluer les repas végétariens dans les cantines scolaires françaises, l’UFC-Que choisir a étudié 779 repas issus de 40 établissements. Cette étude commence par rappeler les bénéfices environnementaux de la mise en place d’un repas hebdomadaire dans les cantines scolaires. En effet, la viande est responsable de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en lien avec l’alimentation. Si on compare, dans les cantines Françaises, un repas végétarien émet 5 fois moins de gaz à effet de serre qu’un repas avec de la viande de ruminant et environ 2 fois moins qu’un repas avec de la volaille, du porc ou du poisson. La cantine scolaire représentant 1,1 milliards de repas par an, le bénéfice potentiel est énorme.

Leurs analyses montrent que “la proportion de produits industriels est en moyenne plus élevée dans les établissements qui proposent quotidiennement un menu végétarien”, que “ces produits sont généralement ultra transformés” et qu’ils “contiennent de nombreux additifs” dont la sûreté n’est pas assurée. L’UFC-Que choisir indique aussi que ces produits sont souvent élaborés à partir de soja et qu’ils dépassent la quantité recommandée par le Conseil National de la Restauration Collective (CNRC). L’UFC-Que choisir exprime également une inquiétude sur la baisse de la consommation de poisson dû aux repas végétariens, avec une diminution des apports en vitamine D et en acides gras essentiels dont manquent déjà 90 % des enfants.

Enfin, l’étude pointe une augmentation du gaspillage avec les menus végétariens. Le manque de maîtrise des recettes végétariennes par 79 % des cuisiniers est mise en cause : les enfants n’apprécient pas ces plats. Pour y remédier, l’étude liste des bonnes pratiques qui pourraient permettre de diminuer le gaspillage de 45 % : réduire l’utilisation des plats industriels ultra-transformés en sécurisant l’approvisionnement en ingrédients végétariens par le biais de partenariats avec des producteurs locaux ou en préparant des recettes inspirées de plats connus des enfants (lasagnes, chili, couscous, etc.) ou encore en associant les élèves via des « commissions menu ». Il est également possible d’adapter précisément les quantités des plats végétariens à chaque classe d’âge.

Commentaires de l’étude

L’UFC-Que choisir rappelle, avec raison, l’intérêt des repas végétariens dans les cantines scolaires pour diminuer l’émission de gaz à effet de serre en se basant sur une étude de l’équipe de MS-nutrition. Il est dommage qu’elle oublie de mentionner que la même étude précise également un bénéfice important sur l’eutrophisation marine (divisée par 4 également), une moindre utilisation d’eau et une différence de Mean Adequacy Ratio [1] faible entre les menus végétariens (81,5) et ceux à base de viande (84,5). D’ailleurs cette étude conclut que “Le plat principal des repas à 5 composantes influence plus leur impact environnemental que leur qualité nutritionnelle, suggérant l’intérêt d’augmenter la fréquence des repas végétariens pour aller vers une alimentation plus durable en restauration scolaire”. L’UFC-Que choisir utilise aussi cette étude pour évoquer le risque de gaspillage, alors même qu’il est précisé dans les limites de l’étude que celle-ci ne tient pas compte du gaspillage. La même équipe de chercheurs et chercheuses a d’ailleurs indiqué dans une étude que le meilleur compromis durabilité/équilibre nutritionnel serait trois repas végétariens, un repas avec du poisson et un repas avec de la viande blanche par semaine.

Depuis, une étude menée par l’Anses indique qu’il n’y pas d’éléments nutritionnels pour limiter le nombre maximum de repas végétariens servis en restauration collective : l’option végétarienne quotidienne est donc nutritionnellement possible.

L’étude de l’UFC-Que choisir pointe le recours à des plats industriels dans les menus végétariens. Cependant assimiler ces plats à des produits ultra transformés est fallacieux. En effet, rien ne permet de l’affirmer. L’UFC-Que choisir s’appuie sur un catalogue de plats contenant du soja, sans préciser si cela correspond aux plats servis dans les cantines de leur étude. De plus, les plats contenant du soja ne sont pas du tout représentatifs des plats industriels servis dans les cantines (ils sont présents dans 0,1 repas par mois dans 12 collectivités, 0,6 repas par mois pour 14 collectivités et dans 2 repas par mois pour 14 collectivités). De même, prétendre qu’ils contiendraient de nombreux additifs est une supposition qui n’est pas démontrée. Cela interroge sur l’arrière pensée de telles affirmations sans fondement.

Concernant les plats contenant du soja, l’UFC-Que choisir préfère là encore inquiéter. Le CNRC fait une proposition de limiter le service des plats contenant du soja à 1 par série de 20 repas. Celle-ci est encore plus restrictive que la recommandation de l’AFSSA en 2005 qui demeure la seule instance au monde à avoir un avis aussi précautionneux sur le soja. Cet avis est d’ailleurs obsolète, ainsi que l’indique le Haut conseil à la santé publique (HCSP) et les différents avis mondiaux plus récents.

Concernant la valeur nutritionnelle, l’étude citée précédemment citée indique bien une différence entre les menus végétariens et les menus à base de viande, mais celle-ci est faible (3 points de pourcentage) et, dans les deux cas, le Mean Adequacy Ratio [2] est au-dessus de 80 %. Concernant la vitamine D, elle n’est pas significativement apportée par l’alimentation. Concernant le DHA, le défaut d’apport ne concerne pas que les repas végétariens : il peut être intéressant que les repas végétariens remplacent prioritairement les repas à base de viande et non ceux avec du poisson. En cas de repas végétariens quotidiens, l’Anses indique qu’il y a une diminution des apports en DHA, cependant les apports sont déjà considérés comme insuffisants pour tous les enfants. L’impact sur la santé de la non-consommation de poisson n’est pas établi à ce jour. Rappelons que la quantité de poissons est limitée par l’Anses (pour des raisons d’accumulation de toxiques) et ne permet pas d’atteindre les objectifs en DHA. L’inquiétude pour l’excès de protéines animales ou le défaut d’apports en fibres n’est par contre pas du tout abordée.

L’UFC-Que choisir semble avoir décidé que les repas végétariens ont des aspects négatifs sur le gaspillage. En effet, bien que l’étude indique qu’il “n’existe pas à ce jour d’évaluation nationale du gaspillage alimentaire dû aux menus végétariens” elle s’empresse d’indiquer que d’après les professionnels certains plats végétariens sont peu appréciés et que cela augmente le risque de gaspillage. En quoi est-ce différent des plats qui contiennent de la viande ? Cette affirmation ne repose sur aucune donnée sérieuse. Concernant le gaspillage dans la restauration scolaire, au niveau officielle, nous n’avons que l’analyse de l’ADEME, qui indique que le gaspillage est principalement dû à la viande et au poisson et précise que ces derniers “représentent la part la plus importante du coût des matières premières et d’impact environnemental”.

N’oublions pas que le CNRC s’est réuni pour la première fois en octobre 2019 alors que l’expérimentation a commencé, sans guide, au 1er novembre 2019. Les guides du CNRC ont été édités le 30 août 2020 soit presque un an après la promulgation de la loi et sans doute trop proche de la rentrée scolaire suivante pour pouvoir être pleinement prise en compte. Rappelons également que l’enquête de l’Association des Maires de France s’est effectuée du 25 septembre au 16 octobre 2020, soit moins de deux mois après la sortie des guides du CNRC. Cela fait court pour intégrer des guides nutritionnels. Les mauvais résultats obtenus ne sont alors guère surprenants et, sûrement, peu représentatifs des pratiques réelles actuelles

Nous ne savons pas non plus comment ont été sélectionnées les collectivités, par conséquent, aucun élément pour connaître la représentativité de ses 40 collectivités composées d’une large majorité d’école primaire (2 collèges et 0 lycée). Rapportées aux 48950 écoles, 6950 collèges et 3750 lycées, ces 40 collectivités ne permettent pas la généralisation à toutes les cantines comme suggérée par l’UFC-Que choisir. La composition des repas végétariens n’est pas comparée à celle des repas non végétariens. Cela équivaut en recherche scientifique à ne pas avoir de groupe témoin permettant de comparer et de déceler une éventuelle différence. Dès lors, il n’est pas scientifiquement recevable d’affirmer que les repas végétariens contiennent plus de produits industriels.

Cette étude de mauvaise qualité méthodologique et non représentative n’apporte donc aucune information nouvelle pertinente concernant la mise en place des menus végétariens dans les cantines scolaires. Serait-ce autre chose qu’une tentative bien maladroite de décrédibiliser les repas végétariens, pierre angulaire de la transition vers une alimentation plus durable ? Il est permis d’en douter.

Pour aller plus loin

Si l’UFC-Que choisir indique la réduction des émissions de gaz à effet de serre liée au repas végétarien dans les cantines scolaires, on peut regretter qu’elle se limite à cet aspect. Il n’y a notamment aucune considération pour la santé. Or c’est aussi l’un des objectifs de la mise en place de ces repas hebdomadaires. Comme l’indique le CNRC, un repas végétarien permet de diminuer un peu les apports en protéines d’origine animale, de consommer plus de légumineuses et d’augmenter les apports en fibres des enfants. Les produits ultra-transformés végétaux ne sont pas forcément aussi mauvais pour l’environnement et la santé que les produits ultra-transformés à base de viande. Ils peuvent d’ailleurs s’avérer utile pour une transition vers une alimentation avec des apports en protéines plus diversifiée.

Après une recherche approfondie des cantines ayant une option végétarienne quotidienne, Greenpeace et l’AVF ont mené une autre étude sur 35 structures volontaires. Les résultats n’indiquent pas d’augmentation du gaspillage, mais au contraire des économies substantielles (300 000 euros/an pour Toulouse, liée au gaspillage de la viande). Concernant l’utilisation de produits transformés : les produits transformés “dépannent”, notamment lors des premières étapes de la transition, mais leur prix plus élevé incite à les utiliser le moins possible. L’observatoire des alimentations bio et durable rapporte dans une enquête que 73 % des 6000 cantines interrogées considèrent les menus végétariens comme un moyen de faire des économies.

Un travail de thèse réalisé par Romane Poinsot (membre de l’équipe MS-nutrition) retrouve les éléments suivants concernant les plats végétariens industriels : “Seulement 56% des plats végétariens industriels analysés contenaient des additifs”, “Aucun additif n’était classé comme « à éviter » (classe 4) selon la classification proposée par l’UFC-Que Choisir” et “La présence d’additifs dans les plats végétariens de la base de données a fait l’objet d’une analyse spécifique, et les résultats ne soulèvent pas d’inquiétude particulière”.

Pour conclure 

L’étude réalisée par l’UFC-Que choisir ne permet pas de tirer les conclusions auxquelles aboutissent ses auteurs. Les analyses, discutables, semblent avant tout viser à discréditer l’option végétarienne quotidienne dans les cantines scolaires, pierre angulaire de la transition vers une alimentation plus durable, et vont à l’encontre des connaissances sur le sujet.

Notes et références

Notes et références
1, 2 Le Mean Adequacy Ratio (MAR) est un indicateur qui évalue l’apport individuel en nutriments. Cet indice quantifie l’adéquation nutritionnelle globale d’une population basée sur le régime alimentaire d’un individu en utilisant l’apport actuellement recommandé pour un groupe de nutriments d’intérêt.
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